Eric Emery, mathématicien, musicien, philosophe, psychopédagogue suisse: Dialogue pour articuler l'identité et la diversité en vue d'une éducation ouverte (1)
1 - Introduction Compte tenu du thème général du Congrès: réflexions et échanges de points de vue sur la coexistence humaine au seuil du IIIe millénaire, je voudrais dégager quelques repères susceptibles d'inspirer une éducation renouvelée et ouverte. L'ego vit sur cette terre avec des alter ego. Ainsi, pour le Je que l'on est, le Tu que l'on côtoie est à la fois un autre Je qui ressemble à tous les Je et un alter ego qui témoigne de ses différences. Ne sommes-nous pas, nous tous, des êtres uniques et irremplaçables? Gaston Berger (père de Maurice Bejart) l'a bien montré dans son ouvrage Caractère et personnalité (2): à chacun, son profil caractérologique; à chacun, ses aptitudes à distinguer des capacités (potentialités et capacités actuelles); pour chacun, le rôle qu'il doit jouer comme personnage dans l'entrelacs des sociétés où il est intégré (dans la famille, à l'école, dans la cité…); et enfin, chacun porte en son intimité un vécu qui lui est propre, vécu qui contribue à forger son être en évolution durant toute sa vie. Comment ces remarques générales se concrétisent-elles dans le cadre de l'Ecole? Deux disciplines majeures sont enseignées: la langue maternelle (langue véhiculaire pour l'autre qui parle sa propre langue maternelle) et les mathématiques (élémentaires au degrés primaire et secondaire). Quand il y a carence en ces domaines, il y a analphabétisme grave qui entraîne l'exclusion de la société et le refus de la citoyenneté. Qui ne sait pas lire accède malaisément à l'information donnée par les journauz quotidiens; qui ne sait pas écrire ne parvient que difficilemment à exprimer ses opinions et ses idées sur l'avenir à construire; qui ne sait pas maîtriser l'arithmétique et la géométrie de base est un handicapé parmi ses "semblables". Ainsi, j'admire les pédagogues des analphapètes tels que Paulo Freire; ils font oeuvre de salubrité publique (3). Précisons: à travers l'arithmétique et la géométrie élémentaire, l' 'élève' apprend à maîtriser une partie du patrimoine commun de l'humanité, patrimoine qui rapproche (esprit critique et rationnel); à travers l'initiation à la langue maternelle, il parvient à développer ses talents créatifs, poétiques, lyriques et autres (esprit libre et imaginatif); quand l'ego fait le compte de ce qu'il possède en commun avec les autres ego, il est en mesure d'acccueillir avec émerveillement tout ce qui affirme sa différence par rapport aux alter ego qui les côtoyent et qui tmoignent d'une diversité incommensurable.
2 - Référence à la Déclaration des droits de l'homme J'ai proposé cette introduction afin de mettre en évidence l'article 26 (alinéa 2) de la Déclaration des droits de l'Homme. En voici la teneur: "L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance e l'amitié entre toutes les nations et tous le groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix." (4). Qui, parmi la multitude des enseignants, connaît ce texte et cherche à l'insérer dans son activité? La déclaration est belle, mais il y a distance entre la coupe et les lèvres. Et d'ailleurs, comment expliciter ce que peut être une éducation visant le plein épanouissement de l'enseigné et comment parvient-on à susciter chez lui la volonté de comprendre l'autre, de le respecter et de vivre avec lui l'expérience de la paix? "Je mets devant toi la vie et le bien, la mort et le mal", annonce Moïse, au nom de Jahvé, à chaque enfant d'Israêl. Il poursuit: "J'ai mis devant toi la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie!" Et je me permets d'ajouter: choisir la vie avec autrui, c'est choisir le dialogue; c'est chercher à articuler correctement la diversité des savoirs et des comportements du Je et du Tu. Quand le couple Je-Tu s'affirme, le Je et le Tu se manifestent dans la rencontre; l'un et l'autre sont instaurés dans leur dignité de même que l'entité l'un-l'autre. (Allusion ici au livre émouvant de Martin Buber: Je et Tu (6). Là encore, cette explicitation d'intention ne suffit pas pour inspirer la bonne éducation; il convient d'en dégager les diverses modalités pédagogiques permettant de passer du dire au faire. C'est pourquoi je me rapporte aux deux philosophes de l'ouverture: Gaston Bachelard et Ferdinand Gonseth. Bachelard dit à peu près ceci: L'enfant naît avec un cerveau inachevé et non pas, comme on l'a souvent postulé, avec un cerveau inoccupé. C'est la société qui achève le cerveau de l'enfant; elle devrait achever ce cerveau plein de promesses comme un organisme ouvert, plus précisément comme l'organisme des fonctions psychiques ouvertes (7). F. Gonseth reprend le même thème en précisant: L'enfant naît avec des structures de subjectivité en état d'incomplétude. Au cours de son développement, avec sa mère et au sein du milieu familial, avec les premiers copains du quartier, en situation de scolarité, etc, il est soumis à la fois à des forces endogènes (à des pulsions intérieures) ainsi qu'à des forces exogènes (à des pressions de société). C'est dans cet univers conjoint d'intimité et de socialité qu'il se crée, dans son engagement sur toute la gamme de ses activités, un référentiel qui lui permet à chaque instant de son existence de faire des choix inconscients ou conscients (8).
3 - La notion de référentiel Le mot référentiel est lancé; il s'agit, pour moi, d'essayer de le clarifier sans céder cependant à une quelconque doctrine de dictionnaire: souvent, les définitions aux contours précisés sont trompeuses. Prenons l'exemple donné par F. Gonseth pur placer le mot référentiel sous un premier éclairage très concret. Avec sa famille, il montait - a-t-il noté - par le train à crémaillère de Stansstad à Engelberg (localités de la Suisse centrale). Le wagon s'arrêta à l'une des stations, devant un groupe de sapins; l'oeil captait le message visuel à travers la vitre. Mais surprise! Il semblait à F. Gonseth que les arbres n'obéissaient pas aux normes de la verticalité. Après investigations et déplacements dans le wagon, il put se rendre compte que la voie, à cet arrêt, n'est pas horizontale. Si l'on regarde le cadre naturel du paysage, tout est en ordre; si l'on examine la situation extérieure en prenant la vitre du wagon comme référence, les verticales des troncs d'arbres semblent être obliques. On peut commenter ce récit: dans le référentiel que constitue le wagon, les sapins paraissent obliques; dans le référentiel que constitue la région, les arbres reprennent - pour l'observateur du wagon - leur allure normale. Et surtout le passage du premier référentiel à l'autre provoque une mutation ressentie avec soudaineté. Or, cette expérience de mutation de référentiels éclaire de feux très concrets mille expériences que l'homme est appelé à vivre durant son existence; les analogies s'étendent à un grand nombre de phénomèmes psychiques allant du rationnel au structurel, mieux: étroitement associés à l'existentiel, au cognitif et au conscientiel. Voilà un événement qui surgit dans la vie d'un homme et subitement cet homme porte un nouveau regard sur le monde extérieur qui l'environne ou sur son monde intérieur qu'il porte en son intimité. Et maintenant, me direz-vous avec une certaine impatience, en quoi ce que vous mettez en évidence est en rapport avec le thème de mon propos. Je vous réponds : encore un peu de patience, bientôt tout s'éclairera. Car je veux préciser ce qu'il faut entendre par référentiel et je le fais à la faveur d'un ensemble de quatre remarques, qui explicite l'expérience des sapins obliques et généralise le problème de notre rapport au monde et avec autrui: 1° Le rapport de l'homme à la situation dans laquelle il peut se trouver se traduit en lui et pour lui par la formation et l'adoption d'un certain référentiel. 2° Ce référentiel peut changer subitement s'il se produit pour l'homme un changement dans son rapport à la situation d'ensemble. 3° Quand l'homme passe ainsi d'un référentiel à un autre, il reporte de l'un à l'autre certaines exigences inaliénables (dans l'exemple des sapins, l'exigence pour l'être humain de la verticalité). Et surtout: 4° Une mutation de référentiel, dans des cas opportuns, peut s'accompagner d'un progrès dans l'objectivité du jugement et dans la justesse des comportements. Remarque: il arrive parfois qu'une mutation de référentiel soit la condition à remplir pour pouvoir franchir certains obstacles ou écarter certaines erreurs (9).
4 - Dialectique de l'identité et de la diversité Permettez-moi d'illustrer ces considérations assez générales. Je me suis souvent demandé, après avoir vu et revu l'excellent film Pretty Woman - où Julia Roberts, Richard Gere surtout, mais aussi Ralph Bellami, Jason Alexander, Laura San Giacomo font merveille - puisqu'il a un impact si prégnant sur le grand public, comme sur un public exigeant. Il m'apparaît aujourd'hui que ce qui nous touche, c'est le fait qu'il illustre par son déroulement global le phénomène de mutation de référentiel. Au début du film, on voit que pour Edouard et pour son avocat tout est question d'argent. Et, c'est à Viviane - qui est contrainte par son vécu d'adolescente de pratiquer la prostitution afin de pouvoir faire barrage à la misère - qu'il appartient de jouer le rôle d'un révélateur. L'Amour accomplit le miracle: Edouard est amené en un court laps de temps à changer de tout au tout son regard sur lui-même et sur son insertion dans le monde des affaires. Ainsi, le vrai miracle, c'est la "conversion" que suscite un relation d'Amour, la mutation de penser et d'agir qui résulte d'une rotation sur soi de 180°. Revenons cependant à notre propos, après cette digression suggestive; mon exposé est sans rupture; il s'agit, je le rappelle, de montrer comment on parvient par l'éducation à articuler identité et diversité. Dialectique du Même et de l'Autre, écrivait Platon dans Le Sophiste! Plus simplement dit: Edouard, dans Pretty Woman, reste le même tout en devenant autre. Ne sommes-nous pas amenés en cours de vie à réviser nos approches premières de notre identité et de notre mise en relation avec autrui? Le Je que nous sommes n'est pas figé; la succession de nos Je qui nous caractérisent - dans l'écoulement des jours et avec évolution ou mutations de référentiel - nous permet en circonstances favorables de sauvegarder l'essentiel de notre identité et de nous épanouir en fonction de la culture et du rayonnement du Tu que nous rencontrons. F. Gonseth écrivait dans l'Editorial du Volume premier de la Revue Dialectica: "L'homme n'est pas un être arrêté dans sa forme naturelle, arrêté dans un destin immuable. S'il se ferme au nouveau, s'il cesse de penser, s'il renonce à savoir, ce n'est pas une harmonie stable qu'il maintient, c'est son déclin qu'il scelle. L'homme ne reste l'homme qu'en payant son tribut à l'éternel changement. Il ne peut être qu'en devenant" (10).
5 - Langue maternelle et langues véhiculaires Et maintenant, focalisons plus particulièrement notre regard sur l'apprentissage de la langue maternelle par opposition à l'initiation des langues dites étrangères. Je voudrais d'abord défendre la thèse que voici: la connaisssance ainsi que la comparaison de plusieurs langues permettent de prendre conscience de la manière spécifique dont on déchiffre l'humain universel ainsi que la réalité extérieure à travers le singulier de chaque langue. Facile à dire, difficile à vivre. Quand on est bébé et petit enfant, on se forge sa manière d'être, ses gestes, ses activités, son style en même temps que le référentiel linguistique proposé par ses parents, puis par ses maîtres: le faire et le dire sont indissolublement liés. On vit ensemble; on s'exprime par ses gestes et par ses attitudes, par ses actions, par le jeu plus ou moins adroit des mots, des phrases, de la langue maternelle. Et c'est alors qu'une mauvaise éducation, une pédagogie perverse ou relâchée peuvent susciter le blocage des fonctions psychiques; et de là, des référentiels figés ou patologiques. Peut-être les élèves le pressentent-ils quand ils disent qu'ils veulent bien apprendre les langues véhiculaires en climat de liberté, c'est-à-dire en oeuvrant avec d'autres-qui-parlent-la-langue-qu'ils-désirent-acquérir, plutôt qu'entre les murs d'une institution dont la visée est de scolariser. Que dire encore! J'ai essayé de tirer quelques cheveux; mais il vient toute une perruque. A vous, chers amis, de démêler cette perruque. Pour ma part, je me contente de renvoyer à deux auteurs connus: Hans-Georg Gadamer et George Steiner. Je cite librement Gadamer: La chance du monde est dans la pluralité de ses langues. Ce sont en fait les circonstances de la conduite du dialogue-dont-la-réussite-mène-à-l'entente qui est l'idéal d'une comprehension partagée. C'est là que l'on perçoit l'avantage particulier de l'Europe, dans sa diversité; car se Continent a pu et a dû apprendre à vivre avec d'autres, même si les autres sont autrement (11). George Steiner tient le même discours quand il se réfère au mythe de la Tour de Babel et qu'il le commente. Mais, dans le livre Entretiens entre George Steiner et Ramin Jahanbegloo (12), le philosophe fait allusion à son ouvrage Langage et science qui montre qu'une langue comme la langue allemande pouvait être contaminée au sein de l'experience nazie; il écrit: "Je pense avoir développé dans tous ses détails le modèle du contre-dire, du contre-factuel. La poétique de la liberté humaine est indissolublement liée au mensonge, ce mensonge qui nous permet de vivre dans se formes les plus nobles qui sont la fiction, le poème et l'utopie. Echapper au pragmatisme, c'est ce qu'offre le mensonge dans la définition donnée par Swift est de dire ce qui n'est pas, To say what is not. Le mensonge est présent dans l'evangile, le psaume, la parabole, l'oeuvre de Dante ou le poème de Celan mais aussi dans cette publicité qui envahit notre vie, dans la propagande politique, la pornographie. Sa gamme est aussi étendue que le dire humain lui-même". Or, ce n'est pas un hasard si les thèmes Les maladies du langage et La crise de l'éducation s'enchaînent dans ces Entretiens (13). Enfin, voici la fine pointe de notre pensée: on ne peut apprendre à vivre avec d'autres que si l'on est prêt à faire subir à ses propres référentiels toute mutation nécessaire pour comprendre, c'est à dire prendre avec, les référentiels des autres. C'est là tout un programme qu'on ne parvient à réaliser que si l'on sait maîtriser une méthodologie du dialogue soigneusement élaborée. Mais il faudrait forger un nouveau texte pur entrer en matière sur ce point; ce n'est pas mon propos (13). Je prefère ouvrir l'horizon et changer de climat: la musique illustre parfaitement notre pensée quant au génie et à la diversité de chaque langue. George Steiner, lui aussi, s'exprime dans ses Entretiens en ouvrant vers ce qu'il appelle la "dette d'amour" et singulièrement à travers ce qu'il nomme: "la musique dans l'âme" (14).
6 - Ecoute de quelques exemples musicaux En préalable, deux mots d'explication: Quand mes élèves de mathématiques me demandaient: "à quoi sert l'enseignement de votre discipline", je ne faisais pas une pirouette en disant: "cet enseignement vise à vous dérouiller l'esprit… et à passer le bac, c'est-à-dire obtenir un papier". Je leur montrais par des exemples précis que les mathématiques se révèlent sous trois aspects: l'utilitaire, le logico-culturel et l'esthétique! Il m'apparaît que ces trois aspects se retrouvent dans l'apprentissage des langues 1° l'utilitaire émerge clairement quand on veut parler la langue des gens qui habitent le pays étranger où l'on se trouve; 2° le logico-culturel (assez ingrat) est dégagé par les bons enseignants à l'école; 3° l'esthétique ne devrait pas être oubliée à l'adresse de ceux dont la visée de beauté est l'élément fondamental de leur motivations. Esthétique des langues? Soit par la déclamation bien maîtrisée de textes poétiques, soit par la mise en scène de jeux théâtraux pu de psychodrames, soit par l'écoute - voire l'interprétation - des musiques vocales.
NOTES (1) Je caractérise ce dialogue au sein de mes deux livres: Pour une philosophie du dialogue (Lausanne, l'Age d'Homme, 1995) dans les pages suivantes : pp. 103 et sq. et L 'Ecole pour la vie (Lausanne, l'Age d'Homme, 1996). (2) Caractère et personnalité, Gaston Berger, Paris; PUF, 1971. On prendra connaissance avec profit des ouvrages suivants de Berger: Traité pratique d'analyse du caractère, Questionnaire caractérologique et L'Homme moderne et son éducation. (3) La Méthode d'alphabétisation des adultes, Paulo Freire (cf. Courrier de l'Unesco de février 1984 et de décembre 1991). (4) Cf. par exemple: Où va l'education? Jean Piaget, Paris, Denoël, 1975; p. 43. (5) Deutéronome, chapitre 30, verset 15. (6) Je et Tu, Martin Buber, Paris; Ed. Aubier, 1969. (7) Cf. La Philosophie du non, G. Bachelard, Paris; PUF, 1940; p. 128. (8) Cf. L'Homo phenomenologicus, F. Gonseth, in Sciences, morale et foi, pp. 41 à 65; de même, cf. La Morale peut-elle faire l'objet d'une recherche de caractère scientifique dans le même ouvrage, pp. 96 et sq; Lausanne, L'Age d'Homme, 1986. (9) Cf. Le Référentiel, F. Gonseth; Lausanne, l'Age d'Homme, 1975; notamment pp. 142 et sq; cf. aussi Pour une philosophie du dialogue, E. Emery, op. cit.; pp. 98 à 150. (10) Cf. Editorial du Volume premier de la Revue Dialectica, 1947: p. 7. Dialectica est une Revue d'épistémologie de la connaissance. Son orientation actuelle n'est plus celle de ses fondateurs. (11) Cf . La Chance de l'Europe est dans la pluralité de ses langues, Joseph Coquoz, in Le Nouveau Quotidien du jeudi 31 octobre 1996. Coquoz rend compte des travaux suivants dus à Gadamer: L'Héritage de l'Europe, traduit par Philippe Ivernel, Rivages, 159 pages et Verité et méthode, Le Seuil, 540 pages. Mais je conseille aux lecteurs de lire aussi Peuples et cultures, cahier du Courrier de l'Unesco de juillet 1982, en particulier l'article de Tchinquise Aïtmatov intitulé: Merveilles de la langue. Quant au dossier: Pour la Science consacré au thème: Les langues du monde, il constitue un document incontournable. (12) Ed. du Félin, Paris, 1992; pp. 120 à 137. (13) Cf. note (1): Pour une philosophie du dialogue. (14) Cf. (12); pp. 41 et sq.
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